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Pouvoir, justice et autorité
17 septembre 2014 Administrateur

Pouvoir, justice et autorité

 

Directeur des Programmes et des Systèmes, membre du Comité Exécutif, CNP Assurances. Diplômé de l’Institut des Actuaires Français, Michel BOIS est également titulaire d’un D.E.S.S. d’Informatique et d’une Maîtrise de Mathématiques pures. Il a débuté sa carrière en 1983 à la Société Générale comme Actuaire, avant de prendre une fonction de Trader sur les instruments dérivés de taux d’intérêt puis de gestionnaire d’OPCVM de taux d’intérêt. En 1992, Michel BOIS est nommé Responsable du Contrôle des risques des activités de marché de la Caisse des Dépôts et Consignations, puis en 1995, il devient membre du Comité exécutif de CDC-Marchés et Responsable du Back-Office et du Contrôle des risques et résultats. Il est en 2001 Directeur du pôle « Banque et Titres » de CDC-IXIS et est nommé Président du Directoire de IXIS-Investor Services en 2005. De 2005 à 2010, Michel BOIS est le Directeur Général du groupe CACEIS. Depuis 2010 il est Directeur des Programmes et des Systèmes, et membre du Comité Exécutif de CNP-Assurances.

 

Illusions (perdues) sur le management

L’idée de ces quelques pages m’est venue à la suite d’une conférence de Cyril Begore-Bret à propos de la « crise de l’autorité ». Plus précisément, mon attention a été attirée quand nous avons évoqué, lors du débat qui a suivi, le lien entre l’autorité et l’équité (ou la justice) ; j’ai avancé, un peu abruptement sans doute, l’idée que le pouvoir peut supposer d’être injuste, et j’ai senti que j’étais assez minoritaire… D’où ces quelques réflexions sur le pouvoir et son lien avec l’autorité.

Ladite conférence faisait partie du cycle 2012 « Comprendre pour agir, diriger aujourd’hui » de l’I- ENS, animé par Catherine Blondel, qu’il faut chaleureusement remercier ici pour avoir créé cet espace de réflexion et ce lieu d’échange, original et d’un grand intérêt.

Je suis sensibilisé à la question posée ci-dessus par ma vie professionnelle de cadre dirigeant de grosse structure ; il s’agit là du pouvoir dans l’entreprise, qualifié communément de pouvoir du « manager » ou du « dirigeant ». Sans doute la période d’élection présidentielle, pendant laquelle j’ai rédigé ces lignes, a-t-elle aussi contribué à cet intérêt, il s’agit alors du pouvoir politique, avec des composantes d’image, de projection et d’autorité fortes… et un fort changement de mode d’exercice du pouvoir par le candidat élu par rapport à son prédécesseur. Un troisième exemple retient mon attention, celui du chef d’orchestre.

On a dit, pendant cette conférence, que l’ « autorité » est un des moyens de la légitimation du pouvoir. On a évoqué ce qui la fonde (tradition, religion, piété, loi, charisme, raison, compétence, prestige…), on l’a opposée à l’autoritarisme qui est plutôt… un manque d’autorité ou un trait de caractère (colérique). L’ « autorité » a la nature d’un attribut (on  « a » ou on « acquiert » de l’autorité.)

En revanche, le pouvoir est de l’ordre d’une relation. Il correspond à la capacité effective de se faire obéir, d’obtenir des choses et des personnes qu’elles se comportent comme on le souhaite. La force (la coercition, la violence) est un composant essentiel du pouvoir, mais il ne se réduit pas à elle, le pouvoir n’est pas que l’utilisation des rapports de force, il s’appuie également sur une légitimité provenant de l’autorité. Le pouvoir se distingue de l’influence par son caractère direct, actif et « affiché », et précisément sa capacité à convoquer la « force ».

Dans un premier temps, je vais esquisser ma vision du pouvoir, dans un second temps, je tenterai d’articuler un lien avec l’autorité, en montrant que l’exercice du pouvoir peut nécessiter d’être injuste.

De la nature du pouvoir

Le pouvoir naît partout où existent des relations entre des hommes, il naît des rapports de force, des compensations, des compromis… En même temps, de bons auteurs (Lefort) énoncent que « le pouvoir est un lieu vide ». Voilà qui est passablement contradictoire… M. Crozier fait un constat de cette difficulté : « le phénomène de pouvoir est simple et universel, mais le concept de pouvoir est fuyant et multiforme » (dans L’acteur et le Système). Je déduis de cela qu’au niveau pratique – voire élémentaire – auquel je me situe, une définition positive et « frontale » des modalités de l’exercice du pouvoir est délicate et risque de dépasser l’objet de ce court article… Je vais donc utiliser des exemples, des citations, des rapprochements… pour essayer de faire partager ma vision du pouvoir.

1) « Le pouvoir, c’est celui qui l’a.»

J’aime beaucoup cette formule attribuée à G Pompidou (mais je n’ai jamais réussi à conforter cette attribution…)

J’en tire que :

  • le pouvoir appartient à une personne, il n’est pas une abstraction, il est incarné par une 
personne animée d’intentions et s’exerce sur une personne ou un groupe ;
  • celui qui a le pouvoir n’a pas à justifier ses décisions ou injonctions ;
  • le pouvoir ne s’embarrasse pas (tant que ça) de légitimité, il est brutal. 
C’est un constat assez implacable … Il vaut mieux en prendre son parti, car cette définition, qui peut apparaitre tautologique est, comme je l’ai constaté en pratique, assez opérante, et pour couronner le tout auto-validante. Elle est très satisfaisante car toujours vraie, réversible et permet dans tous les cas de retomber sur ses pieds ! 
Le pouvoir du peuple, la démocratie, n’ « entre » pas dans cette formule. Il est assez savoureux qu’elle soit attribuée à un président de la république dont le caractère de démocrate ne peut être mis en doute, dans un pays, la France, qui s’affiche comme un modèle de démocratie. Chez G. Pompidou, c’est une boutade, mais notons néanmoins au passage que les dictatures qui se nomment démocratie-quelque chose sont légion… 
Le pouvoir y est réduit au constat et à l’enjeu d’un rapport de forces. Mais les sociétés humaines sont complexes et il existe tout un réseau d’obligations réciproques entre les gens, qui les obligent à (ou les empêchent de) se comporter d’une certaine façon quand ils sont placés dans certaines conditions. En réalité, c’est bien d’un rapport de force dont il s’agit, dont l’un retire davantage que l’autre, mais où l’autre n’est jamais totalement désarmé… 
Rien de similaire avec l’autorité.

2) Le pouvoir et ses effets

On connaît les liens, qui font régulièrement les premières pages des gazettes, entre le pouvoir et le sexe ou entre le pouvoir et l’argent… Ces rapprochements sont trop fréquents et ils fascinent trop l’opinion publique pour être dus au hasard ou pour être anodins. Ce qui s’est passé avec un des principaux prétendants lors de la dernière élection présidentielle française est presque un cas d’école. 
En revanche, on ne cite pas de « liaison dangereuse » entre l’autorité et le sexe ou l’argent.
 Lord Acton dit que « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. Les grands hommes sont presque toujours des hommes mauvais. » 
Ainsi, l’exercice du pouvoir ne laisse pas inchangé ou indemne ; les effets du pouvoir sur une personne sont étonnement connus, identifiés et repérés. Autres citations, parmi de nombreuses :

« La possession du pouvoir corrompt inévitablement la raison. » Emmanuel Kant.

« La plupart des hommes au pouvoir deviennent des méchants. » Platon.

« La tentation d’être un chef juste et humain est naturelle dans un homme instruit ; mais il faut savoir que le pouvoir change profondément celui qui l’exerce ; et cela ne tient pas seulement à une contagion de société ; la raison en est dans les nécessités du commandement, qui sont inflexibles. » Alain

« Le pouvoir sans abus perd son charme » P. Valéry

Poursuivons par une évocation mettant en scène la dimension passionnelle et tragique du pouvoir, celle de Racine dans Britannicus. Il y montre les jeux d’un pouvoir tyrannique qui impulse une action tragique. Néron apparaît comme un maître absolu, régnant sur les autres et ne rendant aucun compte sur ses actions et intrigues. Son pouvoir est là pour servir le triomphe de ses sentiments ; il n’hésite pas à utiliser contre son rival et contre celle qu’il aime tous les moyens dont il dispose grâce à son statut. La passion l’aveugle et son désir emporte tout ; pour parvenir à ses fins, il n’a aucun scrupule à user des procédés les plus déshonorants. On devine toute la folie des princes dans cette peinture de la passion et du pouvoir …

Enfin, dans le monde réel, et non plus dans la littérature, il y a une vingtaine d’années, dans un grand orchestre, quand le chef –un maestro, un homme toujours – choisissait de nommer à un pupitre visible une jeune femme, immédiatement et systématiquement, la machine à fantasmes se mettait en route, de manière justifiée ou pas… Les observateurs de la vie musicale savent bien que les chefs d’orchestre tyranniques et harceleurs sont légion.

Ce qui frappe, c’est le nombre et la convergence de ces citations et illustrations, dont ne figure ici qu’un extrait, et leurs origines très variées ; ce constat est donc une constante de l’histoire humaine. Quel que soit le cas actuel qu’on pourra nous raconter sur tel ou tel abus ou dérive du pouvoir, soyons sûr d’une chose : la pièce a déjà été écrite cent fois !

On n’a jamais entendu dire que l’autorité change ainsi (profondément) le caractère des personnes concernées, même s’il est vrai qu’elle peut changer leur comportement.

3) Le pouvoir se conquiert

On évoque des personnes faites pour prendre, pour conquérir le pouvoir, redoutables dans cette lutte (on parle de « bêtes de pouvoir » comme on parle de « grands fauves ») mais qui, une fois parvenues à leurs fins, poursuivent avec leur posture de lutteur ou, épuisés, perdent une partie des qualités remarquables qui leur ont permis d’y arriver ou alors n’endossent pas, ou pas naturellement, ou pas immédiatement, les habits du rôle (Cf. « casse-toi, pauv’con » ou « un président normal »).

On vient de vivre une élection présidentielle. Déjà le camp du « vaincu » a pris date, se prépare pour la nouvelle étape de la course, se positionne, notamment autour du « droit d’inventaire »… Comment se partager les dépouilles ? Ne sont-elles pas précisément le lieu redevenu vide du pouvoir ? Comment se placer, ne pas rester dans l’ombre, tout en restant fidèle et loyal, ne pas donner l’impression de « tuer le père » tout en faisant le nécessaire pour être sûr qu’il est bien mort ? Comment capitaliser sur l’image du perdant, tout en s’en démarquant ?

Par opposition, les modes d’acquisition de l’autorité ne relèvent pas de la conquête, de la trahison ou du meurtre, mais plutôt de la construction.

4) Le pouvoir se suffit-il en lui-même ?

Le schéma « naturel » parait être la conquête du pouvoir et ensuite son exercice.

Des exemples montrent que le pouvoir peut se suffire à lui-même : le DG d’une entreprise qui éprouve de la satisfaction à aligner des exercices profitables les uns après les autres, un grand chef d’orchestre qui, pendant une décennie, parcourt le monde avec son orchestre dont il fait une phalange de premier plan,…

Les deux écueils qui viennent à l’esprit immédiatement sont

  • le manque d’intérêt (ou l’incapacité) à exercer le pouvoir après l’avoir conquis, parfois 
rudement,
  • la tentation d’en conquérir toujours plus, dans une sorte de fuite en avant, soit « intérieure » 
et donc infinie, soit nécessaire pour le garder.

5) Le pouvoir se transmet mal

On prend le pouvoir, mais peut-on donner, peut-on se faire donner le pouvoir ? Comment accepte-t- on, comment reçoit-on le pouvoir ? 
Il est courant qu’une personne se fasse donner le pouvoir par une autre personne qui a du pouvoir sur elle. C’est le cas d’un dirigeant d’entreprise nommé par le CA (ou les actionnaires) ; c’est le cas d’un chef d’orchestre nommé par telle ou telle autorité administrative de tutelle. C’est le cas d’un dirigeant d’entreprise qui part à la retraite et qui désigne un dauphin, à qui il transmet son pouvoir. Le cas particulier de la désignation d’un « dauphin », quel que soit le domaine, donne des résultats suffisamment « aléatoires » pour interpeler… 
Un des actes considérés comme les plus importants de l’exercice du pouvoir est la capacité de « nommer » ses collaborateurs; d’aucuns disent même que, in fine, c’est l’acte essentiel. Cette capacité de nommer est nécessaire, indispensable, pour obtenir des relais, se démultiplier, ne pas être en première ligne, se positionner en « pouvoir suprême »… La clé pour le détenteur du pouvoir est de nommer quelqu’un tout en conservant son pouvoir sur la personne nommée qui, elle-même, rentre dans le jeu du pouvoir et cherche à accroître le sien, au détriment de tous et de tout, y compris celui qui l’a nommé… 
Revenons à nouveau aux suites de la dernière élection présidentielle : ce qui se passe est parfaitement illustratif, avec les nominations de ministres, de sous-ministres, de dirigeants…, qui au début sont reconnaissants et loyaux, mais qui, gageons-le, vont inévitablement se positionner et pour cela construire leur position, y compris et surtout aux dépens de celui qui les a nommés et à qui ils doivent beaucoup, si ce n’est tout… Le cas des députés, qui se sont battus pour être élus est un peu différent. Ils ne doivent pas directement leur élection à un acte de pouvoir du Président. Ils sont donc naturellement conduits à jouer leur survie ou leur existence de manière indépendante, pour acquérir une existence propre, une capacité d’influence, voire construire un vrai pouvoir, donc un contre-pouvoir avec lequel il faudra compter. 
Une des clés réside dans la capacité qu’on a ou pas – et cela se prépare à l’avance – de reprendre le pouvoir après l’avoir donné. 
Souvent, le pouvoir se conquiert, par la force ou par les urnes. Lors de l’élection présidentielle, le gagnant se fait bien donner le pouvoir (par le peuple) mais cela se fait dans le cadre d’un duel, il mène un combat ; ce qui domine, c’est de vaincre le rival. Quant au peuple, certes il « donne » pouvoir mais dans le cadre d’un choix et le choix est double : il « élit » l’un des prétendants et, avec la même force, parfois avec plus de force encore, il exclut ou rejette l’autre prétendant.

Mais je crois qu’il est impossible de se faire donner du pouvoir de manière consensuelle, par arrangement ou commodité, par une ou des personnes qui sont dans le champ de l’exercice du pouvoir, i.e. qui va ou vont devoir s’y soumettre.

Le célèbre échange ci-dessous résume dans sa brièveté implacable cette impossibilité :

« Qui t’a fait comte ? demande Hugues Capet

Qui t’a fait roi ? répond son vassal. »

Le contexte est le suivant : après le règne de Charlemagne, la royauté étant devenue incapable d’assurer la paix, les invasions avaient terrorisé la population. Cette perte de légitimité et de prestige de la royauté avait directement bénéficié aux « Grands », seuls à assurer la sécurité de ceux qui se trouvaient sur leurs domaines. En conséquence, au lieu d’appartenir au roi, le pouvoir était morcelé au profit de puissants seigneurs locaux qui levaient des impôts, faisaient la guerre ou rendaient la justice eux-mêmes dans leur fief. Ce sont eux qui avaient élu Hugues Capet roi de France.

Comment mieux illustrer que par ce brutal dialogue, apocryphe sans doute, qui aurait été tenu entre Hugues Capet et l’un de ses vassaux récalcitrants, Adalbert de Périgord, ce manque de pouvoir du roi face aux seigneurs qui l’ont nommé ?

6) Comment le pouvoir s’exerce-t-il aujourd’hui ?

Il faut exercer son pouvoir car le pouvoir est la capacité effective d’agir et pas simplement une menace d’action. Un pouvoir qui ne s’exerce pas s’affaiblit, et bientôt s’évanouit (« Le pouvoir s’use si l’on ne s’en sert pas. »)

D’ailleurs, selon M. Foucault « le pouvoir n’est pas … quelque chose qu’on garde ou qu’on laisse échapper ; le pouvoir s’exerce à partir de points innombrables, et dans le jeu de relations inégalitaires et mobiles ».

J’ai tenté à certains moments de m’inspirer, dans ma vie professionnelle, de la maxime suivante : « Ne rien faire, ne rien laisser faire, tout faire faire » Lyautey.

Elle est un peu « militaire », on ne lâche pas la bride…

Elle est efficace dans certains contextes, mais elle n’est plus actuelle. Elle bute sur deux points dont l’émergence est récente et qui, dans une entreprise moderne, la rendent inapplicable dans la durée.

Tout d’abord, le « désir », de faire, d’agir, de décider tout et partout que sous-entend ce principe, le désir du dirigeant se heurte à la nécessité de laisser à ses équipes la possibilité de prendre des initiatives, d’essayer, de se tromper…. bref de laisser un espace pour le propre désir des collaborateurs. Cet élément est de nos jours couramment admis ; il y a quelques décennies, il n’entrait pas en ligne de compte.

Ensuite, la complexité croissante de nos activités ne permet plus de confier au leader, au chef, le management opérationnel d’une activité. Même dans le secteur le plus hiérarchique qui soit, l’armée, aujourd’hui le découplage entre le rôle hiérarchique et le rôle technique, confié parfois même à des soldats peu gradés, est devenu la règle. Plus encore, dans certains équipes de pointe, par exemple l’aéronavale américaine, le principe de non-punition des erreurs (non volontaires, non répétées) est devenu d’application courante (dans le but de faire progresser l’activité, on affiche de manière codifiée et anonyme ses erreurs, qui sont ensuite traitées afin de faire progresser la sécurité d’ensemble).

Il faut donc savoir s’arrêter de diriger « rennes courtes » et fonctionner sur d’autres modes.

Tout à fait à l’opposé, quand on arrive dans une situation de blocage, de désordre, quand on risque de perdre le contrôle, donc le pouvoir (comme capacité effective, etc.), quand les équipes sont passives, inertes, sans désir, ou agitées, à ce moment –là, on est sauvé par une autre maxime :

« Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur. » Jean Cocteau.

Et là, ce qu’attendent les équipes, c’est une direction, et si la situation est confuse, incertaine, complexe et ne permet pas de donner un cap clair, le rôle du dirigeant reste au moins d’éclairer, de donner du sens, de structurer le discours, de donner un système de valeurs et de références, et peut- être même… de susciter le désir.

Entre ces extrêmes, l’examen dans les entreprises du rôle du dirigeant, qui détient le pouvoir, aboutit à une distinction entre plusieurs formes de pouvoir en fonction de la personnalité du dirigeant et des représentations que le groupe projette sur lui : type directif et autoritaire, type coopératif ou délégataire, type qui impose ses vues sans que le groupe en ait clairement conscience (faiblesse, insuffisance, manipulation…). Le dirigeant qui dispose de la plus grande autorité est celui qui allie la compétence à la popularité et au prestige. Mais est-ce celui qui a le plus de pouvoir ? Est-ce celui qui sur la durée parvient à agir sur les choses ?

7) Le pouvoir est affaire de mathématique

Ici, on a (ou on est) un « Fondé de pouvoir », on fait (ou dispose d’une) « Délégation de pouvoir(s) », on a « Les pleins pouvoirs », ou on les donne… Là, on parle de « Pouvoir absolu » ; mais que signifie alors « Pouvoir relatif » ? Est-ce lié à l’existence de « contrepouvoirs » ? Ailleurs enfin, on brandit le principe de la « Séparation des pouvoirs »…

Tout ceci parait bien « lourd »… Le pouvoir est peut-être un « lieu vide », mais c’est aussi un objet bien embarrassant, bien dangereux pour qu’on prenne tant de précautions pour le manier, le tenir à distance, le cantonner !

On l’a vu, la tendance naturelle des hommes et des systèmes est de concentrer les pouvoirs et de simplifier les rapports, qui dégénèrent alors en purs rapports de force. Tout pouvoir est susceptible de s’engager dans une dynamique conduisant à l’abus de pouvoir, tout homme au pouvoir devient (presque) Néron ; il faut donc éviter de laisser Néron agir comme l’a décrit Racine et, mieux encore, empêcher un homme (ou une femme) arrivant au pouvoir de devenir Néron.

« Au pouvoir il faut toujours opposer des lois infranchissables et des droits sans restrictions. » nous dit Michel Foucault. Mais à mon sens, plus que la loi, qu’on peut changer, seul le pouvoir arrête le pouvoir (car in fine, on y revient : « Le pouvoir, c’est celui qui l’a »).

S’installe donc inéluctablement une tension entre le détenteur du pouvoir, qui en veut toujours plus, sans frein et sans contrainte, et (certains de) ceux qui sont dans le champ du pouvoir et veulent tout mettre en œuvre pour limiter ou empêcher cela, soit par conviction, soit par intérêt.

On sent que l’exercice du pouvoir a quelque-chose de « mécanique », de l’ordre de l’équilibre des forces. On verra plus loin que cette « mécanique » relève davantage de la « dynamique » que de la « statique. »

En théorie des relations, « x a du pouvoir sur y » semble à première vue être une « relation d’ordre », ce qui signifie qu’elle serait antisymétrique, réflexive et transitive. Mais à y regarder de près, les choses ne se passent pas aussi simplement…

Réflexive : les psychanalystes, entre autres, contestent que « x a du pouvoir sur x ». Le sens commun est qu’il y a des limites internes et externes au pouvoir qu’on a sur soi-même.

Antisymétrique : les philosophes contestent que « si x a du pouvoir sur y, alors y n’a pas de pouvoir sur x ». Ils avancent le renversement hégélien, particulièrement vrai dans le monde du travail : c’est en servant un maître qu’on se libère de lui.

Transitive : il n’y a guère que dans les organisations très hiérarchisées que « si x a du pouvoir sur y, et y du pouvoir sur z, alors x a du pouvoir sur z ». En réalité, le pouvoir est une relation réciproque déséquilibrée et partielle et les compensations ne se transmettent pas mécaniquement ; par
exemple : « x a le pouvoir de faire faire m à y, qui a lui-même le pouvoir de faire faire n à z »…

La relation concernée n’est donc pas une relation d’ordre, pas non plus de toute évidence une relation d’équivalence, la relation de pouvoir ne permet donc pas de construire une structuration « canonique » des populations.

L’autorité n’évoque pas d’ « équilibre des forces », ni une telle « algèbre du pouvoir »…

L’Autorité est un des constituants du pouvoir

Comment combiner les quelques caractéristiques du pouvoir présentées ci-dessus, avec l’autorité, et introduire la justice dans le jeu ?

L’autorité peut être considérée comme un pouvoir légitime : un pouvoir qui n’a donc besoin que d’un minimum de coercition pour se faire respecter et obéir. Plus il y a de légitimité chez le détenteur du pouvoir, moins il y a de force, de violence ou de coercition, donc plus cela lui est facile d’exercer son pouvoir ; l’autorité offre la possibilité de se maintenir au pouvoir grâce à l’usage minimal de la force et la coercition. Réciproquement, le pouvoir est fragilisé par la perte de la légitimité conférée par l’autorité. Or les actes et postures exigés par l’exercice du pouvoir sont parfois contraires à ceux qui confèrent de l’autorité.

Je vais donner deux exemples.

1) L’exercice du pouvoir dans une entreprise

Le DG veut s’ouvrir de nouveaux marchés, mettre en place une politique d’amélioration de la qualité afin de se positionner mieux que ses concurrents et, pour cela, il faut instaurer des contrôles plus rigoureux sur les postes de travail. Rien de plus normal. Et cette volonté est interprétée par certains comme une volonté suspicieuse de « la direction » de traquer les lacunes ou défaillances de personnes … Rien de plus banal…

Il parait clair, dans les conditions données ci-dessus, que la mise en place de ces contrôles relève de l’exercice normal du pouvoir du DG dans le cadre de la gestion de l’entreprise. Mais cet acte est de nature à ébranler son autorité.

Il s’agit d’une décision, d’une orientation, d’une « action » qui peut paraître simple, tellement banale qu’elle en est décevante et non susceptible d’être analysée pour en tirer des conclusions générales… Au contraire ! Il s’agit bien de l’examen de l’exercice réel du pouvoir, de la capacité à mener une action concrète mobilisant des gens et des choses, prises dans le cadre de la compréhension pratique par le DG de son environnement. Notre exemple est bien un exemple d’exercice du pouvoir, car il traite de la capacité effective à agir, qui sera mesurée par ses conséquences.

Le rôle, la posture, l’image… du DG est d’orienter l’entreprise dans la voie de la croissance, de la qualité ; il me semble qu’il n’a pas à expliquer en détail ni à justifier outre mesure sa décision ; il s’affaiblirait à le faire, entrant dans une logique de contre-propositions, de négociations, de donnant-donnant… nuisant à son autorité ; pourtant, il est nécessaire que le corps social de l’entreprise comprenne le sens essentiel des tâches demandées ou des contrôles mis en place.

Dans cet exemple très prosaïque, l’exercice efficace du pouvoir me parait passer par une répartition des rôles, une délégation : il appartient à un des adjoints, un des fondés de pouvoir du DG, d’expliquer cette évolution, très simplement, de manière convaincante et de la mettre en œuvre. Ainsi, le DG se donne les moyens d’agir effectivement dans le sens qu’il souhaite, maintient son pouvoir sur son collaborateur en lui confiant cette tâche, qui sera peut-être même ravi de cette marque de confiance et conserve son pouvoir sur l’entreprise.

Si tout se passe bien, si le projet est bien mené, le DG pourra féliciter et remercier les collaborateurs – et son fondé de pouvoir – du succès de l’opération, qui aura consolidé son pouvoir et contribué au développement de l’entreprise ; si l’affaire tourne mal, le DG pourra conforter son autorité – et donc son pouvoir – soit en « montant au créneau » en soutenant la réforme, en recadrant le cas échéant certains éléments, en « redonnant du sens », soit si l’affaire tourne vraiment mal, en désavouant son adjoint en se posant en protecteur des collaborateurs de l’entreprise (« pas assez de concertation », « pas pris en compte le facteur humain », « n’a pas écouté »…), qui lui en sauront gré.

Et même si le dossier a été traité de manière impeccable par ledit adjoint, il peut être nécessaire de le désavouer. Le DG peut avoir à sacrifier quelqu’un qui l’a loyalement servi, voire dont il est l’obligé.

Ce mode d’action, décrit schématiquement, choque le sens de la justice : le dirigeant est injuste par rapport à son adjoint (il gagne « à tous les coups » alors que son adjoint ne peut que perdre) et peut même être interprété comme de la manipulation. Certains, émus, rétorquent « qu’un patron qui se comporterait ainsi ne durerait pas très longtemps », « qu’à la première occasion, on lui ferait payer », « que l’utilisation d’un fusible est une méthode éculée »…

Je crois profondément le contraire. Pour être durablement efficace, un patron doit se comporter ainsi et de manière méthodique ; il ne peut en général s’exposer sur des dossiers sensibles car son exposition serait utilisée et exploitée par ceux – et ils existent toujours – qui cherchent à avoir barre sur lui. Comment? Très simplement: tout opposant pourrait se positionner plus ou moins directement contre n’importe quel projet sur lequel le leader est engagé et l’affaiblirait, lui compliquerait la tâche ; un projet qui ne présentait pas à l’origine de difficulté particulière se retrouverait ainsi considérablement complexifié, le dirigeant verrait son action entravée, il serait progressivement réduit à l’inaction ou à négocier, et les difficultés inéluctables seraient portées à son débit, précipitant sa chute, ou alors il serait réduit à l’impuissance, perdant ainsi son pouvoir.

De nos jours, dans nos entreprises, voilà comment ça se passerait : le DG ne se contenterait pas de confier la mission à un de ses collaborateurs, mais ferait intervenir un consultant externe. L’éventuel sacrifice pourrait donc être rendu indolore. Hormis cette modalité, tout le reste est valable.

2) Le chef d’orchestre est un homme de pouvoir

« …un orchestre est toujours démonstration de pouvoir » J. Attali (Bruits).

Dans un orchestre, le pouvoir du chef repose sur l’autorité ; la force n’est pas un moyen simple à manier. L’exemple symétrique de celui du chef d’orchestre est celui du gendarme : le gendarme a du pouvoir mais pas d’autorité ; c’est pour cela qu’on lui met un uniforme, pour lui donner un semblant d’autorité.

On me raconte l’anecdote suivante : un orchestre « adopte » le chef d’orchestre qui lui est désigné. Cette adoption est fondée, dit-on, sur sa compétence (« Il nous fait progresser »). En même temps, il existe un second chef, qui ne dirige pas pendant les concerts mais prépare certains passages des œuvres avant le chef titulaire et le remplace quand il est indisponible. Ce second chef est rejeté par l’orchestre car il est considéré comme un mauvais chef (« on ne comprend pas ses gestes ».)

En d’autres termes, le premier chef a de l’autorité et le second chef n’en a pas. J’ai l’intuition que cette différence n’est pas uniquement fondée par la supposée différence de compétence…

L’autorité – donc le pouvoir – est conférée ou non à un chef par la collectivité, de manière non formulée ni analysée, mais implacable.

Tout se passe dans notre cas comme si les musiciens, par un mécanisme collectif, acceptaient de se soumettre à un chef mais “rachetaient” cette soumission par le refus de se soumettre à un autre chef. En d’autres termes, l’orchestre a besoin d’un chef, non seulement pour la « battue » mais aussi comme leader et se « rachète » d’avoir ce besoin, pour une part informulé, ou se « venge », en excluant l’autre chef. Le besoin d’exclure est aussi impérieux que le besoin d’adopter.

Reprenons notre orchestre. Une difficulté survient progressivement : le premier hautbois n’est pas au niveau. Pourtant, ce musicien est un des fondateurs de l’orchestre, il était là à ses débuts, et il est très apprécié « humainement » par les autres musiciens.

L’œuvre à jouer est légèrement plus difficile que les œuvres jouées habituellement par l’orchestre mais elle est sublime et sa beauté peut pousser l’orchestre à se dépasser ; son exécution ( ! ) justifie (nécessite ?) un sacrifice, pour que l’orchestre s’unisse dans de ce but.

Le chef ne peut se contenter de porter les aspirations et les projections positives de l’orchestre, il doit accepter de se « salir les mains », il doit porter la part de « mauvais » qui est en chacun des musiciens, il doit ensuite procéder à l’exécution (du sacrifice) et il doit enfin prendre garde à ne pas se le faire reprocher ! Finalement, le chef n’est chef qu’en assumant ce que le musicien de base ne veut pas être : un injuste, et au fond, un salaud.

Mais l’expulsion (le sacrifice ?) ne doit pas être trop explicite. Si le chef s’y prend mal pour remplacer le musicien, son image, son empathie… seront affectées, un malaise se manifestera, auquel il sera attaché, et son autorité en souffrira ; inversement, s’il ne fait rien, alors que c’est son rôle d’agir, il sape son autorité.

Il me semble que la bonne approche est d’arriver à ce que le hautbois soit naturellement conduit à partir, demande à être remplacé, ou que les autres musiciens demandent au chef son départ car ils constatent qu’il nuit à la cohésion de l’orchestre. Le chef alors pourra même se poser en défenseur du musicien, en l’accompagnant dans une sortie « digne ». Avec un peu de perversité, le chef peut en rajouter et mettre le musicien en difficulté en faisant travailler longuement le solo de hautbois pendant les répétitions d’orchestre, feignant de le soutenir ou de l’aider, mais en fait en l’enfonçant devant tous ; soit le hautbois s’en rendra compte lui-même et rendra les armes, soit les autres musiciens manifesteront leur préoccupation et leur souhait « de faire progresser l’orchestre ». C’est injuste par rapport au malheureux hautbois mais nécessaire pour l’orchestre… et pour le maintien de l’autorité du chef.

Ainsi la préservation de l’autorité peut se faire en ayant des comportements adaptés et réfléchis visant à mettre en œuvre des décisions qui sont incontestables.

En guise de conclusion, je retiendrai que la coïncidence entre pouvoir et autorité est délicate, parce que celui qui a le pouvoir doit, de par les exigences même du pouvoir, prendre des décisions néfastes au maintien de son autorité. Et même s’il a de l’autorité par lui-même (compétence, nomination,…), progressivement, même s’il ne commet pas d’abus, même s’il n’y a pas dérive, il perd une partie de son autorité. En particulier, il doit parfois agir de façon injuste parce que le respect de la justice est contradictoire avec la capacité effective de se faire obéir et à obtenir des personnes qu’elles se comportent comme on le souhaite ; et l’injustice sape l’autorité. Mais elle peut renforcer le pouvoir.

Vouloir exercer son pouvoir en étant toujours juste est certes louable, mais a des conséquences lourdes et conduit en général à se mettre en situation d’inefficacité. L’injustice des hommes et femmes de pouvoir est tellement répandue que s’en étonner relève soit du manque d’expérience, soit de l’idéalisme, soit de l’hypocrisie. Dans le même ordre d’idées, citons la vérité et le mensonge : vouloir diriger en ne disant que la vérité, en ne mentant jamais, est tout simplement naïf. S’étonner que les dirigeants mentent ne peut relever, tant on est habitué à les voir mentir, que d’un refus de voir l’évidence, d’une incapacité à prendre acte de la répétition de phénomènes réels dans lesquels interviennent des personnes réelles.

Dans les deux cas, il faut le faire « avec la manière », c’est-à-dire en conservant autant que faire se peut son autorité. Il faut savoir, en cas de besoin, être injuste, mais tenir toujours et constamment un langage de justice ; de même, il ne faut pas hésiter à mentir en cas de besoin, mais il faut constamment, envers et contre tout, tenir un discours de vérité.

D’où la déception de ceux qui sont dans le champ du pouvoir, qui n’acceptent de se soumettre qu’en s’illusionnant, en s’aveuglant, et dont les yeux s’ouvrent au fur et à mesure que le leader agit, souvent contraint et forcé par les exigences de son rôle, et dont l’autorité chute ; ils rejoignent progressivement le camp des opposants, affaiblissant ainsi le pouvoir dans une dynamique inéluctable.

Il est donc nécessaire de constamment reconstruire son autorité, pour contrebalancer son affaiblissement naturel.

De là aussi vient le besoin de la force, même si l’autorité du leader est grande. Il existe un besoin irrépressible de la collectivité (la meute) de se retourner contre son leader, avec qui elle entretient une relation ambivalente, pour le dépecer, l’affaiblir, le réduire à l’incapacité (i.e. le tuer symboliquement). Le groupe veut un leader et exige qu’il endosse des choix et des décisions difficiles, pénibles, douloureux, injustes… qu’il joue le rôle du salaud et qu’il le décharge de sa culpabilité. L’ambivalence vient de là: d’une part le groupe a besoin d’un leader, avec des projections positives, d’autre part le groupe est déçu par son leader, qui porte toutes les insatisfactions du groupe, et le lui reproche. Pour conserver son pouvoir, le leader peut éviter les conflits frontaux (voir exemple 1), il peut aussi retourner contre un autre les pulsions collectives (exemple 2), il doit aussi pouvoir faire usage de la force, sanctionner ou faire un exemple (« être adulé ou être haï, mais être craint »). Tout ceci est bien injuste !

Ainsi, autorité et pouvoir sont intimement liés : le pouvoir a besoin de l’autorité et, dans le même temps, l’exercice du pouvoir sape l’autorité, installant ainsi une dynamique, une tension continuelle.

Exercer son pouvoir, c’est faire vivre cette tension ; c’est autant que faire se peut (mais sans trop d’illusions) la maîtriser, l’accompagner, la suivre, la précéder, l’orienter… Pour cela, il n’y a pas de recettes toutes faites et les bonnes intentions n’ont rien à faire là. La justice (ou l’injustice) ne sont qu’un des nombreux éléments à prendre en compte et qui n’agissent pas forcément dans le sens attendu a priori…. Le dirigeant doit être rationnel, mais aussi savoir ne pas l’être (on n’attend pas de lui d’être un robot) ; il doit prévoir mais savoir être imprévisible (car le monde est complexe et imprévisible) ; il doit être habile et manœuvrier mais aussi capable de simplicité dans l’action ou le raisonnement (pour ne pas tomber dans la routine, dynamiser son entourage); il ne doit pas inquiéter mais doit savoir surprendre…

Le « Pouvoir », capacité effective d’agir sur les choses et les hommes, dispose de la force, et se légitime par ce que j’appelle l’ « Autorité ». Plus l’autorité du dirigeant est grande, moins le recours à la force est nécessaire. Mais l’exercice du pouvoir conduit à prendre des décisions qui sapent l’autorité, notamment des décisions injustes.

Pour que le pouvoir soit efficace dans la durée, il faut passer par une utilisation fine et différentiée de ses différents modes d’exercice (direct ou délégué; directif ou participatif), par des comportements adaptés, et par l’exploitation lucide des hommes et des structures, avec constamment un double critère de décision : l’efficacité de l’action et la préservation de l’autorité.

L’injustice, le mensonge, la force et parfois la violence auxquelles on est nécessairement conduit par l’exercice du pouvoir sont-ils autre chose que la contrepartie de la puissance, des chocs qu’on subit de plein fouet et sans échappatoire quand on est en position de pouvoir, là où on devient le paratonnerre de la violence collective ?

Michel Bois