On voudrait le cacher, on ne saurait le voir, pourtant il est partout. Sein nourricier que l’on sacralise, il montre sa douceur généreuse avec fierté en ces temps où nourrir son enfant au biberon constitue la première faute maternelle. Sein reformé, gonflé, sculpté par la chirurgie esthétique, il ne demande qu’à s’exhiber pour montrer sa perfection surnaturelle. Sein protestataire des groupuscules féministes, il sort nu dans la rue et manifeste, bardé de slogans, comme révolté d’avoir été trop longtemps masqué par les vêtements.
Il est vulgaire s’il est nichon, amplifié s’il est giron, profond s’il est gorge, animal s’il est mamelle. Mais à l’origine, le sein (sinus) désignait le pli de toge dans lequel les femmes portaient leur enfant. Il offrait un refuge, représentait l’asile maternel et le lieu du réconfort. Il était la partie intérieure des choses, leur cœur précieux : ainsi espérait-on après la mort rejoindre le sein de Dieu, synonyme de paradis…
Aujourd’hui il sort, et prendre le sein ne veut pas seulement dire téter mais aussi militer, comme on prend les armes.