Madonna

Madonna à l'Olympia

Madonna à l’Olympia (Showcase 26 juillet 2012) © Pascal Mannaerts www.parcheminsdailleurs.com CC-BY-SA-3.0

On peut évidemment ne pas aimer ses chansons, rire de ses incursions comme actrice, mais on ne peut enlever à Madonna d’avoir été la première superstar féminine de la pop, avec une longévité, un sens de l’image et de l’air du temps hors du commun. Pour celles et ceux qui souviennent, les années 80 ont donné côté pile Lady Diana, sublime victime, mettant en scène sa fragilité et sa sensibilité au point de devenir la « princesse des cœurs » pleurée par des dizaines de millions de gens, et côté face Madonna, féministe nouveau genre, impériale dominatrice brandissant sa sexualité et se mettant en scène régnant sur de jolis hommes asservis – on dit toy-boys désormais, et la Madone en est friande.
Qu’ils aient aujourd’hui quasiment l’âge de sa fille lui importe peu, elle est libre, elle fait ce qu’elle veut, c’est ce qu’elle a toujours revendiqué, sa liberté, d’artiste et de femme. Femme puissante, elle a contribué à forger depuis ses premiers succès et au fil de ses réinventions sans fin, une nouvelle figure féministe qui a fait beaucoup d’émules, Beyoncé en tête aujourd’hui.  Elle n’a pas inspiré que des artistes en herbe. J’ai fait partie des filles qui, en regardant ses clips, en voyant non seulement les stades du monde entier adorer leur idole, mais aussi les « élites » notamment politiques lui vouer un respect étonnant, se sont dit qu’il se passait là quelque chose d’intéressant.
Une brunette (mal) peroxydée au look un peu trash devenait une icône en ne cessant de jouer avec les fantasmes masculins et les stéréotypes. Tour à tour Marilyn, Dietrich, Garbo, vierge et femme fatale, nonne et prostituée, elle surjouait les codes de la féminité et de la sexualité pour mieux s’en jouer et les déjouer. Personnellement je n’ai jamais trouvé mieux que les clips de Madonna pour illustrer la féminité comme mascarade et le questionnement sur le genre.
Si l’on veut bien considérer que le féminisme exige l’indépendance financière, mais aussi la réappropriation du corps et de la sexualité au service de la liberté de l’être, alors Madonna et ses héritières, qui s’adressent à un très large public, contribuent à donner aux femmes peut-être pas le pouvoir, mais une forme de confiance en elles et l’envie de se défaire des images obligées et antagonistes, forgées par d’autres, pour s’inventer à leur tour… On dirait qu’elle a lu Bourdieu, mais n’oublions pas que les Anglo-saxons ont un nom pour cela : l’« empowerment ».
Devant l’Assemblée nationale, des statues d’hommes, dans les toilettes pour femmes du théâtre du Rond-Point en 2013, que des noms de dramaturges hommes, parmi les artistes et écrivains étudiés à l’école, exposés dans les musées, une écrasante majorité d’hommes. Au moins la pop a-t-elle produit des modèles féminins reconnus par tous, et non uniquement réservés aux femmes…
Que ses visées à elles aient été plus esthétiques que politiques certes, qu’elle se soit muée en « control freak » triste, qu’elle ait perdu le sens des réalités, peut-être, mais cela la concerne. Il faut voir au-delà de l’individu les questions qu’elle a contribué à soulever, ce n’est pas pour rien que depuis 20 ans les universitaires interrogent cette figure « postmoderne », symptôme et mystère. Et elle n’est même pas morte !

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