Ma petite entreprise

En 15 ans d’expérience, ce sont des CDI, des CDD, un congé maternité, un congé parental, un licenciement et d’assez nombreux emplois à temps partiel et saisonniers que nous avons gérés. Tout a démarré par une auxiliaire de ménage : concession rapidement accordée d’un co-locataire, devenu mari, totalement acquis à la cause féminine et au partage des tâches mais assez peu au maniement de l’aspirateur. Une solution égalitaire et donc formidable, prélevée sur les revenus du ménage.
Ensuite sont venus les enfants. Et avec le premier, son cortège de culpabilité : faut-il arrêter de travailler pour ne pas avoir à les jeter brutalement dans la faune de la collectivité ? Solution rapidement bouclée, tout à fait cautionnée par le papa : la nounou. Soutien indispensable de vos journées de travail, elle arrive dès 9 heures du matin et ne repart qu’à 19 heures. Elle assure à ces charmantes têtes blondes l’accès à la douceur du foyer à toute heure et vous vous sentez très fière (très bonne mère !) de ne pas leur imposer l’explosion sonore des chaises de la cantine et son céleri-rémoulade.
Puis vient le problème du soir : aux premiers mois bohèmes du premier enfant que vous brinquebalez courageusement chez tous vos amis, succède une carence sociale déclenchée soit par l’entrée à l’école (il faut qu’ils dorment tout de même…), soit par l’arrivée d’un second qui tue à coups de poussette double une grande part de la mobilité du jeune couple.
À grande carence, grands remèdes : la baby-sitter fait son apparition. Et le rythme social reprend un peu de panache, vous êtes plus détendue et tout le monde s’en porte mieux (notamment Monsieur). Les premières fois, vous repassez par la maison pour donner les consignes voire mixer le repas de vos trésors.
Puis assez vite, s’impose le confort de l’habitude : vous prenez toujours la même, celle qui sait se débrouiller avec le mixeur, s’arrange avec la nounou pour récupérer les clés et a enregistré votre numéro de portable dans ses contacts. Et en plus, les filles l’adorent : elles la réclament même quand vous ne sortez pas. Le bonheur !
Et nous voici déjà avec trois employés. Et là, vient le matin ! Eh oui, grâce à vos trois employés modèles, vous voilà vous-même employée impliquée et appréciée, prenant du galon. Alors, bonjour les réunions aux aurores avec vos collègues masculins si matinaux et tellement pris la journée qui, bien sûr, ne déposent jamais leurs enfants à l’école le matin (c’est Madame qui fait, enfin !).
Ils adorent vous gratifier d’un regard désolé en coin (vous savez, celui de cette femme qui avait acheté le dernier exemplaire de ce sac dernier cri juste devant vous à 10h02 le premier jour des soldes… tellement contente !) en vous coulant un « Oh ! désolé, ça ne va pas être facile pour toi à 7h30 ? ». Et là, satisfaction suprême de la chef d’entreprise : «si, bien sûr, aucun problème ! ».
Et c’est là qu’intervient la quatrième salariée de cette formidable aventure : la perle rare prête, sur convocation par texto, à débarquer le lendemain matin chez vous à 7 heures, voire avant, et de prendre en mains le lever, l’habillage, le petit déjeuner et l’accompagnement à l’école. Et elle est tellement formidable qu’en cas de déplacement mal planifié de papa et maman, elle peut même dormir à la maison !
Et vous voilà chef d’entreprise, prête à gérer des réunions de Comité d’Entreprise ! Mais heureuse et détendue, délestée d’une bonne part de culpabilité de mener de front vie familiale et vie professionnelle, et, cerise sur le gâteau pour celles que ça pourrait gêner, pas forcée d’avoir belle-maman à chaque retour de voyage à la maison…
Le secret : un peu de feeling sur les recrutements (le bouche à oreille étant bien sûr le nec plus ultra) et de la stabilité dans les personnels recrutés. Une chose est sûre : « ma petite entreprise ne connaît pas la crise » et les chères têtes blondes ne s’en plaignent que rarement !