Galanterie, étape vers l’équilibre

Galanterie Mme de ScudéryLa galanterie caractérise avant tout une pratique raffinée de la sociabilité, héritière de la « courtoisie » des cours médiévales, qui s’est développée vers le milieu du XVIIe siècle, à la cour de Versailles où étaient organisées des « fêtes galantes » et dans les salons des Précieuses, autour de Madeleine de Scudéry (ci-contre), selon Alain Viala (La France galante, PUF, 2008). Du verbe « galer » (prendre du bon temps), l’individu « galant » aime la vie, il est d’un commerce agréable et spirituel, il est entreprenant et séduisant.
Ce mode policé de gestion des rapports sociaux s’est développé autour des femmes et de qualités perçues comme « féminines » (raffinement, douceur, délicatesse…). Dans son acception plus moderne, la galanterie désigne ainsi plus spécifiquement une manière respectueuse de se comporter avec les femmes. En tant que telle, la galanterie a été la cible des féministes. Mais n’est-ce pas lui faire un mauvais procès ?
La galanterie – tout comme la courtoisie qui l’a précédée – a d’abord été un corpus de règles qui a permis à certaines femmes (privilégiées) d’accéder à un statut nouveau, auquel elles ne pouvaient prétendre auparavant : centre des attentions, foyer de conversations brillantes, source d’inspiration et de création. En pacifiant des relations sociales alors marquées par la violence entre les sexes, la galanterie a contribué à une certaine émancipation intellectuelle et sociale des femmes de la noblesse. Aujourd’hui encore, au même titre que d’autres règles de politesse, la galanterie peut contribuer à pacifier des relations sociales conflictuelles entre les sexes.
Cette pacification s’est certes faite en s’appuyant sur la faiblesse de la femme, sa vulnérabilité : la galanterie définit des règles de savoir-vivre qui protègent la plus faible et par lesquelles le plus fort consent à s’affaiblir. Elle reconnaît ainsi la situation inégale entre les sexes et semble la légitimer. De ce point de vue, la politesse, plus neutre, semble être préférable à la galanterie car elle est dénuée de toute connotation sexuée.
Mais la galanterie ne va-t-elle pas au-delà de la simple politesse ? Si la galanterie est disqualifiée car trop « genrée », ne faut-il pas lui préférer la courtoisie, dont un usage plus prolongé a fini par davantage gommer les aspects sexués ? La courtoisie partage sans doute avec la galanterie ce petit « supplément d’âme » qui la distingue de la simple politesse, moins spirituelle et plus procédurière… Et les femmes comme les hommes peuvent s’en réclamer, alors que la galanterie demeure l’apanage du « sexe fort ».
Mais, quel que soit le terme retenu, les règles de savoir-vivre sont finalement une première étape, sur le plan individuel comme historique, qui n’est certes pas suffisante, mais qui demeure indispensable, pour préparer l’avènement de relations plus équilibrées entre les individus (quel que soit leur sexe) car comme le souligne justement André Comte-Sponville, reprenant Emmanuel Kant : « Les bonnes manières précèdent les bonnes actions et y mènent » (Petit traité des grandes vertus, Seuil, 2001).

Illustration : Mme de Scudéry – Gravure du 18e siècle – BNF – Wikipedia – Domaine public


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