Étymologiquement, la domination est le propre du « dominus », le maître de la « domus » (maison) : ainsi la domination apparaît-elle d’emblée comme domestique, s’ancrant dans un rapport familial inégal au profit d’un maître ; dans le même temps, elle se définit aussi dès l’abord comme un rapport inégal entre sexes (et non entre castes ou classes). Par la force des mots, la domination est masculine.
Par la force des mots et par bien plus encore : la domination apparaît masculine « par essence ». C’est ainsi que Pierre Bourdieu aborde la question de La domination masculine (Seuil, 1998), en s’étonnant : comment ce rapport de domination peut-il se perpétuer aussi facilement depuis toujours ? C’est sans doute parce que ce rapport est perçu comme naturel, aussi évident pour les dominants que pour les dominées. En effet, la domination masculine constitue une dimension fondamentale de l’« habitus », ensemble de schèmes de pensées et d’actions acquis dès le plus jeune âge par la socialisation et générateurs des pratiques des individus.
Élaboré et imposé au sein des grandes institutions sociales (la famille, l’école ou l’État), le principe de la domination masculine est incorporé jusque dans le corps et les manières d’être par les individus, hommes et femmes. Ce faisant, il structure leur perception du monde et leur manière d’agir dans ce monde. En ce sens, la domination masculine résulte d’une « violence symbolique » et se transforme en un phénomène d’apparence naturelle.
Ce processus rend d’ailleurs non seulement les femmes prisonnières de l’image qui leur est imposée, mais également les hommes. Pour Bourdieu, seul l’amour peut éventuellement permettre aux individus de s’affranchir de ce rapport de domination. Mais au-delà de cette solution nécessairement individuelle, comment mettre fin collectivement à cette domination masculine qui est au fondement de toute société ?
Bourdieu n’apporte pas de réponse directe à cette question. Néanmoins, comme « c’est sans doute à la famille que revient le rôle principal dans la reproduction de la domination et de la vision masculine » – ce que nous suggérait d’emblée l’étymologie –, c’est peut-être également à la famille, via l’éducation, que revient d’abord le rôle de mettre fin à cette domination masculine…
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