La jalousie, persienne qui laisse passer le jour et peut-être aussi les regards indiscrets du jaloux. La jalousie, fascination qui attache l’homme à un objet. « Il avait chez lui un tour, où il s’amusait à tourner des ronds de serviette dont il encombrait sa maison, avec la jalousie d’un artiste et l’égoïsme d’un bourgeois » (Madame Bovary de Gustave Flaubert). La jalousie, amitié exclusive qui ne tolère point l’attachement de l’autre à un nouvel objet. « Elle souffrait surtout d’une jalousie inapaisable contre cette femme inconnue qui lui avait ravi son fils » (Une vie de Guy de Maupassant).
La jalousie, étape de croissance. L’enfant s’accroche à sa mère vers le 9e mois, ne fait-il pas alors l’apprentissage de la jalousie en ne voulant plus partager sa mère. La jalousie, agacement de ne pas posséder quelque chose que d’autres ont. On est dans l’envie. « Lisbeth Fischer (…) était loin d’être belle comme sa cousine ; aussi avait-elle été prodigieusement jalouse d’Adeline » (La Cousine Bette d’Honoré de Balzac).
La jalousie, chagrin éprouvé par crainte ou certitude de l’infidélité de l’être aimé. « … Ma vie a été rongée par une passion mauvaise : la jalousie. Jamais je n’ai tenu une femme aimée dans mes bras, sans voir se dresser entre elle et moi le spectre de ceux qui l’avaient possédée, et lorsque la pauvre créature fermait les yeux, je me disais : c’est pour ne pas me voir et se souvenir à son aise de ceux qu’elle a aimés autrefois » (Mémoires d’un suicidé de Maxime Ducamp).
La jalousie est donc profondément humaine. René Girard considère dans sa théorie mimétique que la jalousie est le corollaire du désir. Parce que l’être jalousé possède un objet désiré par le jaloux, il le précède dans la relation à l’objet et devient ainsi obstacle. Pourtant cet obstacle renforce la valeur de l’objet convoité et rend le jalousé fascinant et obsédant pour le jaloux. Inconsciemment, le jalousé devient le point central de la relation.
Et avec cette relation que de tourments. Car avec la jalousie vient le temps de l’inquiétude, de l’attachement, de l’envie, du dépit, de la conspiration, de la haine, de la destruction : la jalousie est secrète, basse, mesquine, féroce, haineuse. On est pris d’accès de jalousie, on est dévoré de jalousie. On pâlit de jalousie, on excite la jalousie, on crève de jalousie, on en crève aussi. C’est le drame de la jalousie.
Lisez/relisez Dostoïevski, James, Svevo, Proust, Musil, Balzac, Zola, Robbe-Grillet, Mauriac, Maurois, Triolet, Guéhenno, Stendhal. Lisez votre cœur et vous saurez.
Illustration : Flirt et jalousie – Haynes King (1831-1904) – Victoria and Albert Museum – Londres – Domaine public.